Articles contenant le tag Restaurant

L’Auberge Basque

Tout espace de discussion consacré à la gastronomie se doit de parler de son principal lieu d’expression : les restaurants. J’inaugure donc cette nouvelle catégorie avec  L’Auberge Basque.

Mais tout d’abord, interrogeons nous sur nos pratiques gastronomiques. Qu’est-ce qui nous fait nous rendre dans un lieu initialement destiné à se nourrir pour y dépenser des sommes indécentes (ici on parle de 85 € pour un menu dégustation et 96 € pour un Meursault 1er crus Le Poruzot – Domaine Roulot) ?
Pour répondre à cette question, on peut déterminer trois critères différenciants (avec chacun plus ou moins d’importance en fonction du public) : le cadre, les mets servis (au sens large, c’est à dire y compris leur orchestration) et enfin le service. Je ne m’étendrai pas sur les premiers et troisièmes critères qui sont les plus subjectifs dans l’expérience gastronomique. En revanche le but premier d’un restaurant étant de sustenter les convives, la qualité des mets, leur assortiment et leur association avec le vin demeure le principal critère d’évaluation d’un restaurant et en particulier d’un restaurant dit « gastronomique ». Mais voilà, qu’est-ce qu’un met de « qualité » ?

L’Auberge Basque, jeune établissement prometteur du pays basque français vient de décrocher sa première étoile (Michelin) dès sa première évaluation. La cuisine qui y est servie peut être classée dans la catégorie « inventive » (un gimmick marketting assez flou) … une cuisine que personnellement je qualifierais plutôt de moderne car la cuisine se réinvente en permanence. L’établissement, comme annoncé, allie assez bien la modernité (un mobilier assez géométrique, une cuisine ouverte sur la salle, une décoration épurée, des tables non nappées) et par touches légères la tradition (un usage important du bois, rappel vestimentaires de la culture basque pour le personnel de cuisine et le personnel de service). Un cadre assez agréable bien qu’assez peu aéré associé à un personnel de salle plutôt jeune et décontracté donne une première impression assez positive et nous a mis en conditions idéales pour aborder ce repas. La carte semble assez prometteuse puisqu’elle met le produit en avant, cependant (et nous le réaliserons dès la première entrée) on perd un peu le produit à travers la multitude de saveurs  proposées pour l’accommoder. On est assez loin des trois saveurs maximum par assiette chères à Ducasse, c’est pourtant chez lui que le chef (Cédric Bechade) à fait ses classes.
Après un amuse-bouche (une terrine de canard en gelée au gingembre et crème de maïs) servie au centre de la table dans un pot-commun où chacun pioche sa part, ce qui permet de manière assez intelligente d’assoir la décontraction du lieu, la première entrée nous laissa deux impressions distinctes mais qui finalement se rejoignirent en une seule : too much !
Après un premier tour d’assiette assez séduisant (une lamelle de chou fleur en pickle au vinaigre de cidre, trois préparations crémeuses plus ou moins denses avec différentes saveurs salées et une lamelle de meringue sucrée), nous commençâmes à déchanter … d’un côté de la table une sensation de trop de quantité (pour un menu dégustation qui enchaîne de nombreux plats, l’assiette était particulièrement copieuse) et de l’autre une sensation de trop de saveurs et au final des deux côtés le manque d’entrain à finir cette première entrée.
Tout cela met en relief l’interrogation du début de cette note : qu’est-ce qu’un met de qualité ? qu’est-ce qui en théorie fait que l’on va dans un restaurant pour y dépenser plus que le strict nécessaire pour une sustentation raisonnable de la sensation de faim ? Il est évident que l’on ne fréquente pas ce genre d’établissement pour être basiquement rassasié, le plaisir que nous y recherchons est propre à chacun mais il me parait évident qu’il passe par une certaine finesse, une certaine épure et certainement pas par la démonstration…

La qualité technique du travail du chef et de son équipe et la qualité des produits nous ont toutefois permis de déguster des mets intéressants (« L’oeuf poché , en fine gelée d’une pipérade, mouillette au goût d’oignon, anguille fumée » en particulier) et de passer un moment particulièrement agréable, cependant on ne peut s’empêcher d’éprouver une certaine déception … non pas par rapport à nos attentes, mais par rapport au potentiel du lieu et de cette équipe.

En conclusion, la cuisine y est certes chaotique, dispersée, démonstrative, mais finalement ce sont des qualificatifs qui siéent (verbe seoir) parfaitement à la jeunesse et donc cet établissement (qui n’a qu’un an d’existence) ne peut que gagner en maturité.

PS : mon palais ne semble pas être le seul à être excédé par ce florilège de saveurs (cf Caroline Mignot)

, , , , ,

Un commentaire